Si vous avez vu le film Oppenheimer de Christopher Nolan sorti en France le 19 juillet 2023, vous vous êtes peut-être demandé ce qui, dans celui-ci, relève de la fiction, et ce qui est historiquement exact.

Pour répondre à cette question, je me suis largement basé sur cet article de Vulture rédigé en anglais, en y ajoutant une ou deux informations recueillies à partir de recherches faites sur Wikipédia.

Avant cela, il est important de préciser que ce film est basé sur le livre Robert Oppenheimer : Triomphe et tragédie d’un génie, écrit par deux historiens américains à partir de 26 000 documents qu’ils ont récoltés.

Oppenheimer a-t-il tenté d’empoisonner son professeur à Cambridge?

Oppenheimer a réellement injecté un produit chimique (il y a débat sur la nature de ce produit) dans la pomme de son professeur à l’automne 1925. L’université l’a su, et les parents d’Oppenheimer sont intervenus pour éviter son exclusion. Oppenheimer a été mis en probation et il a dû faire l’objet d’un suivi psychiatrique.

Oppenheimer a-t-il été l’un des premiers à faire des théories sur l’existence des trous noirs?

Si le mot « trou noir » date de 1967, et que leur concept remonte à 1784 et l’astronome John Michell, Oppenheimer a réellement publié à ce sujet avec son étudiant Hartland Snyder, mais il est rapidement passé à autre chose car ce sujet ne l’a pas intéressé longtemps. En revanche, cette publication a inspiré d’autres scientifiques comme Roger Penrose, lesquels ont fait des découvertes majeurs dans le domaine des trous noirs.

La relation d’Oppenheimer avec Jean Tatlock était-elle aussi tumultueuse?

Les amis d’Oppenheimer ont décrit Tatlock comme son véritable amour, et leur relation semble avoir été aussi tumultueuse que celle dépeinte dans le film. Il semble que Tatlock était déterminée à lui faire du mal, car elle savait à quel point il l’aimait. Il l’a réellement vue pour la dernière fois lorsqu’il a quitté Los Alamos en 1943 pour passer une nuit avec elle, comme cela se passe dans le film.

Comment est morte Jean Tatlock?

Le 4 janvier 1944, Jean Tatlock est retrouvée morte dans sa baignoire par son père. Elle a pris des somnifère et laissée une note non signée. La nuit avant sa mort, elle avait dit à des amis qu’elle était très déprimée. Sa mort a officiellement été classée en suicide de motivation inconnue, même si un médecin a reconnu qu’il était facile de maquiller un meurtre d’une telle manière.

Kitty Oppenheimer était-elle alcoolique?

On ne sait pas si Kitty buvait beaucoup, mais on sait que Oppenheimer aimait les martinis serrés, et qu’il incitait tout le monde à boire en soirée. On sait également que Kitty ne se sentait pas dans son élément à Princeton, où elle et Robert se sont installés après la guerre, ce qui aurait pu la pousser à boire.

Oppenheimer a-t-il essayé de confier son bébé à un ami?

Après la naissance de Katherine en 1944 (nommée comme sa mère, mais également nommée Toni), Kitty est allée chez ses parents avec le jeune Peter, alors âgé de 2 ans. Elle souffrait de ce que l’on appellerait aujourd’hui une dépression post-partum. Katherine était alors chez une amie de Kitty, Pat Sherr, et Robert y venais deux fois par semaine. Après quelques mois, Robert leur a demandé si ils pouvaient adopter Toni, disant qu’il ne pouvait l’aimer, dans le sens où il ne pouvait pas lui donner ce qu’elle méritait. Son amie a décliné cette demande. Toni était douée en langues et a été diplômée en arts, elle travailla comme interprète pour les Nation Unis. Elle s’est suicidée en janvier 1977, à l’âge de 33 ans.

Chevalier a-t-il réellement proposé à Oppenheimer de faire passer des secrets aux soviétiques?

On ne connait pas l’exact conversation entre Oppenheimer et Chevalier, ni si Kitty était présente, mais on sait qu’elle a eu lieu, et que Oppenheimer a menti pour tenter de protéger Chevalier.

Los Alamos était-t-il si peu habité avant l’installation des scientifiques?

Dans le film, il n’est mentionné qu’une école et un cimetière indien dans la zone devant devenir le laboratoire de Los Alamos, mais en réalité, il y avait également des communautés rurales sur ce site, comme sur celui du test Trinity. Ils ont été chassés, et parfois de façon violente, ce que le film ne mentionne pas.

Les 11h avant le test Trinity étaient-elle aussi tendues?

Afin de créer du suspense, le film a utilisés deux ressorts lors du test Trinity : un test échoué qui laissait craindre que le test Trinity serait un échec, et un orage menaçant de retarder celui-ci.

Ces deux éléments sont authentiques, mais un peut romancés.

Le test échoué avait eu lieu la veille, et les scientifiques ont rapidement vu que cet échec était dû au câblage, lequel était correctement fait dans le cadre du test Trinity.

L’orage a effectivement retardé le test Trinity, mais de seulement 1h30, et Oppenheimer n’était pas le seul à dire que l’orage allait passer, les météorologistes de l’armée le disaient également.

Les scientifiques ont-t-ils vraiment eu peur de créer une réaction en chaine avec l’atmosphère terrestre?

Comme dans le film, Teller a réellement semé le doute parmi les scientifiques sur la possibilité que la réaction en chaîne se poursuive parmi les atomes de l’atmosphère. En revanche, Oppenheimer n’est pas allé voir Albert Einstein, mais Karl Campton du MIT qui a écrit plus tard : « Mieux vaux accepter le joug des Nazi que prendre le risque de mettre fin à l’humanité ».

Comme dans le film, Hans Bethe a effectué les calculs qui ont mené à la probabilité de « presque zéro », et Fermi a effectivement pris des pars à la veille du test Trinity sur le déclenchement par la bombe d’une apocalypse planétaire.

Oppenheimer a-t-il participé à la sélection de Hiroshima et Nagasaki comme cibles?

La majorité de la scène de décision des cibles japonaises pour les deux premières frappes nucléaires est tirée des rapports officiels, seul le retrait de Kyoto par le secrétaire d’état qui y a passé sa lune de miel est un ajout de dernière minute au script, inspiré par les recherches de l’acteur James Remar sur son personnage.

Oppenheimer a-t-il dit au président Truman qu’il avait l’impression d’avoir sur sang sur les mains?

La réunion entre le président Truman et Oppenheimer a réellement eu lieu en octobre 1945, et elle s’est passée comme le film la dépeint. Seul le texte exact est une création, tout comme la phrase de Truman demandant de ne pas le laisser revenir, qui a été inspirée de remarques ultérieurs faites par le président au sujet d’Oppenheimer.

Quelle était la relation entre Oppenheimer et Albert Einstein?

La relation entre Oppenheimer et Einstein était comme le film la montre, Einstein n’a jamais adhéré à la physique quantique, ce pour quoi Oppenheimer le considérait comme dépassé, même si il y avait entre eux un respect mutuel.

En revanche, l’échange que l’on voit dans le film, au bord du lac en 1947, et qui hante Strauss, n’a jamais eu lieu, mais semble inspiré d’une fête d’anniversaire que l’Institute For Advanced Study de Princeton a organisée pour Einstein en 1949.

Klaus Fuchs a-t-il permit aux soviétiques d’avoir la bombe nucléaire?

Klaus Fuchs était un communiste allemand qui a fuit l’Allemagne Nazi. Il a effectivement transmit des informations aux soviétiques au sujet de la conception de la bombe atomique, ce qui a été découvert en 1950. Bien qu’étant le plus célèbre, Fuchs n’était pas le seul espion à Los Alamos, un technicien du nom de Ted Hall a également transmit des rapports de laboratoire aux soviétiques. Tout comme David Greenglass, frère de Ethel Rosenberg, et Oscar Seborer, lequel possédait probablement plus de connaissances sur la bombe atomique que les Greenglass, Hall et Fuchs.

Lewis Strauss détestait-t-il Oppenheimer?

Il est très probable que Strauss détestait Oppenheimer. Si leur relation était cordiale lors de l’arrivée d’Oppenheimer à Princeton, Oppenheimer a empêché Strauss d’acheter une maison près de l’institut en faisant en sorte que l’institut l’acquière avant, et il a réellement humilié Strauss devant le Congrès avec son témoignage au sujet de l’exportation des radioisotopes, repris pratiquement mot pour mot dans le film. Oppenheimer a également snobé, comme le film le montre, le fils de Strauss lors d’une fête d’anniversaire.

Qui a donné le dossier d’Oppenheimer à William Borden?

Dans le livre, on le sait très vite, mais à l’écran, cela est utilisé par Nolan pour ménager le suspens. C’est effectivement Strauss qui a transmit le dossier d’Oppenheimer à Borden, à dessein et de manière calculée.

Est-ce que le témoignage de David Hill a été déterminant dans le vote du Sénat?

Le film montre le témoignage du scientifique David Hill, incarné par Rami Malek, comme déterminant dans le vote du Sénat, mais dans la réalité, David Inglis, un autre scientifique, avait déjà dressé un portrait négatif de lui devant le Sénat lorsque David Hill est arrivé pour apporter son témoignage. Aussi, Strauss ne déplaisait pas seulement parmi les scientifiques, Clinton Anderson, sénateur du Nouveau Mexique, a été celui qui a empêché sa reconduction à la tête du commissariat à l’énergie atomique, via un intense lobbying contre lui, plus déterminant que le témoignage de David Hall. En revanche, John Fitzgerald Kennedy a effectivement voté contre sa reconduction, la première non reconduction à ce poste depuis 32 ans.

Quels sont les autres écarts entre le film et la réalité historique?

J’ai noté un écart entre ce que l’on voit à l’écran et la réalité historique lorsque l’on voit les bombes destinées à Hiroshima et Nagasaki partir de Los Alamos dans des caisses chargées sur deux camions.

En réalité, le développement des bombes Little Boy et Fat Man, pour Hiroshima et Nagasaki, n’était pas du ressort du projet Manhattan, mais du projet Alberta, qui n’était pas sous la direction d’Oppenheimer, mais de Francis Birch. Si leurs combustibles provenaient du même site d’Oak Ridge que la première bombe atomique, leur assemblage a été réalisé sur l’île de Tinian, dans l’océan Pacifique.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser en regardant le film, ces bombes n’ont pas la même conception que celle de l’essai Trinity.

Celle de l’essai Trinity, « Gadget« , était composée d’un coeur d’uranium et de plutonium entouré de « lentilles explosives », qui était un explosif conventionnel d’une forme destinée à compresser uniformément la sphère centrale de combustible nucléaire afin d’y démarrer la réaction en chaîne. Lorsque la bombe « Gadget » est hissée sur la tour pour l’essai Trinity, elle comporte des rubans adhésifs blancs qui bouchent des trous que les scientifiques vont par la suite remplir par des cylindres de métal reliés à des fils. Ce sont les détonateurs des charges explosives conventionnelles qui entourent la sphère centrale de combustible nucléaire.

Little Boy était composé de deux pièces d’uranium cylindriques qu’un explosif classique devait projeter l’une contre l’autre afin de démarrer la réaction nucléaire. Elle était environ 2 fois moins puissante que Gadget et Fat Man.

Fat Man reprenait le principe de lentilles explosives de Gadget, mais avec un coeur uniquement composé de plutonium. Le but était d’avoir une puissance comparable à Gadget, tout en étant assez légère pour être transportable par un avion.

Toutes ces bombes étaient des bombes à fission (cassant les atomes), alors que la bombe H (à fusion) dont il est question dans le film, sera mise au point par Teller et testée sur un atol du Pacifique 7 ans plus tard. Les soviétique la mettront également au point 3 ans après les américains, dans une version transportable par un avion (contrairement à la première bombe H américaine qui pesait 60t mais était 6 fois plus puissante que la soviétique). Les soviétiques pousseront le concept de bombe H jusqu’à l’extrême : une bombe de 57 megatonnes de TNT qu’ils testeront avec succès le 30 octobre 1961. Soit la puissance d’un cube de TNT aussi haut que la tour Eiffel !

Si vous avec vu toute la première saison de la série d’Apple TV+ « For All Mankind », vous vous êtes sans doute demandé ce qui est plausible dans l’histoire racontée, ce qui s’est vraiment passé, et ce qui relève de l’uchronie. Si vous n’avez pas vu toute la première saison, passez votre chemin car cet article contient beaucoup de spoilers. Si vous avez vu toute cette première saison et que les réponses à ces questions vous intéresse, vous pouvez continuer à lire.

La série débute le 26 juin 1969, historiquement entre les mission Apollo 10, dernière répétition de l’alunissage qui a approché le sol lunaire de 15 km le 22 mai, et Apollo 11, alunissage historique de Neil Armstrong et Buzz Aldrin le 20 juillet 1969. Alors que les servies de renseignement américains n’ont constaté que deux lancements, tous deux réussis, de la fusée lunaire russe, la N1, la planète entière voit en direct à la télévision le premier pas sur la lune du cosmonaute Alexeï Leonov. Les américains sont sous le choc, ils n’ont rien vu venir, et deux astronautes sont particulièrement affectés : Ed Baldwin et Gordo Stevens, ceux-là même qui étaient à 15 km de la surface lunaire un peu plus d’un mois plus tôt.

Beaucoup de choses correspondent à la réalité historique dans ce premier épisode : la fusée russe est celle qui a réellement existé, même si elle n’avait été lancée qu’une seule fois à la date du 26 juin, et que ce lancement avait été un échec (qui a d’ailleurs décidé les américains à ne pas faire alunir Apollo 10). Alexeï Leonov était effectivement le cosmonaute pressenti pour marcher sur la lune, seul, car la fusée russe étant moins puissante que celle des américains, leur missions lunaire n’envoyait qu’un seul cosmonaute, et non trois astronautes. La date de la mission Apollo 10 et son déroulement sont authentiques, même si la production s’est amusée avec le nom des astronautes. En effet, les deux astronautes qui ont réellement approché la lune sont Stafford et Cernan, mais leurs doublures étaient Ed Mitchell et Gordo Cooper, noms proches des Ed Baldwin et Gordo Stevens de la série. Ed Mitchell a volé sur Apollo 14, et dans la série Ed Baldwin est reparti sur Apollo 15. Le bar où les astronautes américains aimaient sortir était effectivement l’Outpost, qui a fermé en 2009. La série met au premier plan le dilemme moral d’Ed Baldwin sur sa décision de ne pas avoir poursuivi la descente, en ne faisant qu’une petite mention du caractère trop lourd de ce LM pour permettre un alunissage sans casse. Cest surtout ce second point qui rendait l’alunissage d’Apollo 10 impossible, en plus du roulis anormal qu’ils ont constaté lors de leur descente, et qui a déclenché la remontée.
A la fin de l’épisode, Apollo 11 fait un alunissage qui ne laisse pas le module lunaire indemne. En réalité, le module lunaire est un engin tellement fragile qu’il n’aurait jamais pu se retrouver dans l’état dans lequel on le voit. Soit il aurait été sur ses quatre pieds, intact, soit un alunissage à plus grande vitesse l’aurait fait se retourner et l’étage supérieur aurait été écrasé sous le poids de l’étage inférieur.

Beaucoup de personnages de la série ont réellement existé : Neil Armstrong et Buzz Aldrin bien sûr, mais aussi John Glenn, Michael Collins, Pete Conrad et Deke Slayton Ce dernier était réellement responsable de la sélection et de l’entrainement des astronautes, suite à une interdiction de voler pour raison médicale reçu juste après son recrutement comme astronaute pour le programme Mercury. Cette interdiction a été levée, comme dans la série, en 1972. Gene Kranz a également existé, même si il est resté directeur de vol jusqu’à la dernière mission lunaire, et vie encore au moment de l’écriture de cet article. Wernher Von Braun a effectivement travaillé pour l’allemagne Nazi pendant la seconde guerre mondiale, et Thomas O. Paine était administrateur de la NASA.
D’autres personnages, surtout féminins, ont été un peu modifiés afin d’avoir accès dans la série à des fonctions que seuls les hommes occupaient à l’époque. Margo Madison, protégée de Von Braun dans la série, semble faire référence à Frances Northcutt, seule femme présente dans la salle de contrôle mission de Huston, même si elle n’avait pas de relation particulière avec Von Braun. En revanche, aucune femme n’a accédé au poste de directeur des vols durant les missions lunaire. Molly Cobb est probablement la seule femme pilote dans cette série à avoir réellement existé, tout comme le programme Mercury 13. Ce programme, réalisé juste après les tests d’aptitude physique des sept premiers astronautes américains, pour le programme Mercury, a été mené à l’initiative du médecin qui a réalisé les tests médicaux des astronautes, afin de savoir si il existait aux Etats-Unis un groupe de femmes pilotes aux aptitudes physiques au moins égales à celles de ces astronautes. Treize femmes ont passé ces tests avec autant voir parfois plus de succès que leur homologues masculins. Malheureusement, l’aventure s’est arrêtée juste après, car les astronautes déjà recrutés n’étaient pas prêt à partager leurs places avec des femmes. Dans la série, Molly Cobb et Ellen Waverly sont des anciennes de Mercury 13, mais cette dernière ne semble correspondre à aucune des membres de ce programme.

Dans l’épisode 3, on peut voir un exercice de survie auquel participent le aspirantes astronautes. Ces exercices faisaient réellement partie de la formation des astronautes, car entre les situations d’urgence potentielles lors du lancement, et les problèmes possibles lors de la rentrée atmosphérique, les astronautes pouvaient se retrouver dans une région hostile du globe, qu’aucune équipe de récupération ne pouvait atteindre rapidement. Il aurait été alors dommage qu’ils périssent uniquement parce qu’ils ont atterri dans une zone reculée imprévue. L’étrange machine volante à quatre pattes sur laquelle une astronaute se tue à la fin de l’épisode 3 était la machine sur laquelle les astronautes d’Apollo s’entraînaient à l’alunissage : le LLTV (Lunar Landing Training Vehicle). Il était fait pour se comporter sur terre comme le module lunaire sur la lune. Neil Armstrong a d’ailleurs failli se tuer avec à cause d’une panne de son moteur, il doit sa vie au siège éjectable dont il était équipé.

Dans la série, le recrutement de femmes comme astronautes est déclenché par l’envoi par les russe d’une cosmonaute sur la lune. Dans la réalité, les russes ont effectivement envoyé une femme (Valentina Terechkova) dans l’espace juste après les deux premiers hommes (Gagarine et Titov), mais c’était seulement pour s’arroger une « première » supplémentaire. Si il a fallu attendre 1983 et la mission de Sally Ride à bord de la navette spatiale pour qu’une américaine aille dans l’espace, en 2020, seules trois cosmonautes russes ayant été dans l’espace étaient des femmes, alors que 51 astronautes américaines avaient été envoyées en orbite.

Dans l’épisode 5, ce que l’on voit des systèmes d’Apollo est relativement fidèle. Par exemple, les couchettes dans le module lunaire, se résumaient à des hamacs pour des raisons de gain de place et de poids. En revanche, il est peu probable que la NASA ait effectivement approuvé une telle improvisation lors d’une sortie extra-véhiculaire. Descendre dans un cratère est extrêmement risqué, car un simple accro sur la combinaison pouvait entraîner une dépressurisation mortelle. Aussi, la transformation de la roue du rover lunaire en treuil aurait nécessité des outils dont ils ne disposaient pas là-haut, la structure du pneu étant rivetée à la gente. De la même façon, on voit que Houston a une image retransmise en direct depuis la combinaison des astronautes. Ceci est une déformation due à notre époque, où la capture et la diffusion d’une image vidéo ne demande qu’un matériel de petite taille et consommant peu d’énergie. Ce n’était pas le cas à l’époque. Un tel équipement sur les combinaisons aurait été bien trop encombrant et consommateur en énergie. En réalité, hors de retransmission en direct pour le télévision nationale, les échanges entre les astronautes et le contrôle mission n’étaient que vocaux. Il est ainsi peu probable que dans les années 70, une base lunaire ait pu être équipée d’un système de communication vidéo pour les échanges entre les astronautes et le NASA.
On voit, à la fin de cet épisode, deux ans après la mission Apollo 15, soit en 1973, se poser sur la lune une base pilotée à distance. Ce moment est probablement le premier où l’uchronie fait un grand pas vers la fiction. Si l’opinion publique américaine avaient continué à accepter des missions lunaires, la NASA avaient des projets de séjours de plus en plus long sur la lune, mais toujours basés sur le module lunaire que l’on connaît, ou des versions légèrement modifiées pour être plus hautes et de plus grande capacité. A la fin de cet épisode, on voit arriver sur la lune une base nécessairement apportée par la fusée Saturn V, puisqu’il n’est fait mention d’aucune autre fusée dans la série, mais avec une forme et une taille qui la rend incompatible avec cette fusée.

Un aspect réaliste que cette série concerne les communications. Au début de l’épisode 6, lors de l’explosion de la fusée Saturn V, aucun son n’est disponible, car le centre de contrôle de Houston n’avait pas besoin d’un flux audio de la fusée, l’image suffisait. C’est pour cette raison que la catastrophe se déroule dans le plus grand silence. La réaction de la directrice de vol dans cette scène est d’ailleurs la même que lors de la catastrophe de la mission STS-107 de la navette spatiale, lorsque celle-ci a brûlé lors de sa rentrée dans l’atmosphère en 2003. Le même réalisme est valable lorsque Baldwin tombe nez à nez avec un cosmonaute russe lors d’une sortie sur la lune. Le vide spatial de portant pas le son, et russes et américains travaillant avec leur propres fréquences radio, il leur est effectivement impossible de communiquer autrement que par le langage corporel. On retrouve le même silence réaliste dans l’épisode 9 lors de l’accident alors que plusieurs astronautes sont en sortie extra-véhiculaire et que la trappe de la capsule est ouverte.

Dans cette série, le réalisme de la base lunaire de Jamestown peut être apprécié en regard de Skylab, le laboratoire spatial que la NASA a lancé après les missions Apollo, et de Saliout, son équivalent russe. On voit dans la série que les astronautes sur la lune sont équipés d’un magnétoscope, et commencent à avoir des problèmes psychologiques entre 86 et 156 jours de séjour. Si on fait le parallèle avec les stations Skylab et Saliout, la présence d’un magnétoscope pour les divertir est très étrange, car même lors du séjour de 84 jours de Skylab 4 et celui de 175 jours sur Saliout 6, aucun divertissement de ce type n’a été nécessaire. C’était plutôt l’inverse. Le planning sur la première mission Skylab était tellement chargé que les astronautes n’avaient plus assez de temps pour se reposer, si bien qu’il a dû être adapté. On est loin d’un besoin de divertissement pour tuer un trop plein de temps.

Une bizarrerie du scénario apparaît lors du premier retour d’astronautes depuis la base lunaire. Ils partent à trois depuis la lune dans ce qui semble être une version du module lunaire plus grande et sans séparation entre les étages. Puis, une fois en orbite lunaire, il passent dans un CSM (capsule et module de service) identique à celui des vrais missions Apollo. On peut alors se poser deux questions : d’où vient ce CSM? Il pourrait avoir été laissé lors du trajet aller, mais si ils ne repartent qu’à deux au lieu de trois dedans, l’astronaute restant sur la lune n’aura plus de moyen de retour. Il faut supposer qu’il a été apporté de manière automatique, car à l’épisode 10, le CSM qu’il utilisent pour venir est totalement à cours de carburant, et Baldwin en a tout de même pour repartir, sans pour autant qu’on ai vu un ravitaillement à partir du carburant produit sur la lune (grâce à l’eau qu’ils y ont trouvé). Un autre aspect étrange est le module lunaire utilisé pour faire la navette avec l’orbite lunaire. Il est plus gros que celui utilisé pour les missions précédentes, lequel correspondait au modèle authentique. Cette différence s’explique par le fait que ce module lunaire doit décoller de la lune, puis y revenir. Cela signifie qu’il doit faire décoller la masse de tout le carburant nécessaire à l’ascension, plus celui nécessaire à la descente. C’est l’inverse de l’autre module lunaire. En plus de cela, son caractère réutilisable empêche de laisser une partie à mis chemin (en orbite dans ce cas), si bien que cela ajoute à la masse à soulever, et donc à la taille globale nécessaire. Ce module lunaire est donc conçu de manière crédible vis-à-vis de son utilisation.

Les derniers éléments concernant le réalisme de la première saison de cette série porteront sur les deux épisodes finaux, et le trajet mouvementé vers la lune. La panne du troisième étage de la fusée Saturn V est crédible, si l’on imagine un sabotage. Le dépannage en orbite est également possible, même si le délai dans la série est très court (quelques jours, alors que dans la réalité une procédure de dépannage de Skylab comparable a pris deux semaines pour être mis sur pied). Ce qui est dit sur le troisième étage de la fusée est également authentique : il y a bien un anneau rempli d’instruments à cet emplacement de la fusée, avec un accès depuis l’extérieur, même si il n’est pas certain que la taille de cette accès (mois d’un mètre de large) aurait permis le passage d’un astronaute dans une combinaison telle qu’on la voit. En revanche, le déroulement du dépannage, et l’incident qui survient, sont de la pure fiction de cinéma. D’abord, sur les 6 astronautes en orbite, seulement deux restent dans les vaisseaux, et quatre effectuent des sorties extra-véhiculaires. C’est totalement inutile, deux astronautes d’Apollo 25 auraient été suffisant à l’extérieur, aucun membre d’Apollo 24 (la mission dépannée), n’avait besoin de sortir du leur capsule. Ensuite, lorsque la mise à feu du troisième étage ce produit, il faut savoir que celui-ci procure une fois et demi l’accélération de la pesanteur terrestre, et que le CSM d’Apollo 25 pèse 30 tonnes. Cela signifie que le lien qui a été tiré entre les deux vaisseaux spatiaux, et qui n’est là que pour permettre aux astronautes de le parcourir, va supporter l’équivalent de 45 tonnes de traction. C’est comme si un bateau se retrouvait pendu par ses amarres. Il n’y a aucune chance que ceux-ci soient assez solides pour résister à la traction. La seule question que l’on peut se poser est la suivante : est-ce que le lien entre les vaisseaux est assez solide pour tenir le temps de ramener le CSM percuter le troisième étage de Saturn V, dans ce cas il le transpercerait comme une feuille de papier et cela créerait une explosion de l’hydrogène et de l’oxygène liquide qu’il contient. Ou alors, romprait-t-il avant que le CSM ne touche la fusée, auquel cas tout le monde s’en sortirai indemne, mis à par le ou les astronautes encore attachés à la fusée. Pour eux, il serait totalement impossible de se détacher, car avec 1,5G d’accélération, leur propre poids ajouté à celui de leur combinaison les rendrait comme suspendus sur terre avec 250 kg accrochés au corps. Ensuite, le choix fait par Slayton et Waverly de pousuivre la mission alors que le troisième étage de Saturn V s’est allumé au mauvais moment est carrément absurde. Il est dit que leur trajectoire va les amener à 1000 miles de la lune, c’est déjà une chance considérable compte tenu de la taille de l’orbite lunaire (la zone en question ne représente que 0,2% de tous les endroits où la fusée aurait pu envoyer Apollo 24). Le principe est le même que lorsqu’on fait tourner une fronde au dessus de sa tête, si on veut atteindre sa cible, il faut la lâcher au bon moment. Avec un mauvais timing, la pierre peut partir à l’opposé de la direction souhaité. Au lieu d’arriver à 60 miles de la lune pour entrer dans son orbite, Apollo 24 arrive à 1000 miles. Dans la réalité, atteindre la lune n’aurait pas été un problème de vitesse minimum à avoir, car Saturn V aurait très certainement donnée assez de vitesse, mais de corriger la trajectoire donnée par la fusée pour ne pas passer trop loin de la lune et finir en orbite autour du soleil (ce qui a d’ailleurs été le cas des troisièmes étages d’Apollo 8, 10, 11 et 12). Si on suppose que tel a été le cas, et que Waverly a consommé tout le carburant du CSM pour passer suffisamment près de la lune, il est probable que le rendez-vous avec Baldwin auraient été impossible, car le module lunaire, même dans sa version modifiée, n’aurait sûrement pas eu assez de carburant pour effectuer la trajectoire nécessaire (mise en orbite lunaire, puis accélération à la même vitesse que celle du CSM venant de la terre, puis rendez-vous, puis décélération jusqu’à se poser sur la lune).

Je ne fais pas la même analyse pour les saisons suivantes, car la différence avec la réalité est telle qu’on peut difficilement continuer de parler d’uchronie. On est dans le domaine de la science fiction, et même si on peut analyser la plausibilité de l’histoire, cela sort de l’objectif premier de cet article, qui est de relever les éléments authentiques repris dans la partie uchronie de la série For All Mankind.

Si vous avez vu ce film de Morten Tyldum avec Benedict Cumberbatch et Keira Knightley, vous vous êtes peut-être posé la question de ce qui était historiquement juste, et de ce qui relevait de la fiction. Après m’être documenté, je pense pouvoir vous donner ici une réponse à cette question.

Contrairement à d’autre films sur la vie d’Alan Turing, comme Codebreaker, Le Modèle Tuing, ou Comment les maths ont vaincu Hitler, Imitation Game a été critiqué pour ses erreurs historiques et la caricature qu’il fait du personnage d’Alan Turing.

Pour tenter de lister des façon exhaustive les erreurs historiques d’Imitation Game, je les ai classées par catégories.

Erreurs sur les personnalités des personnages

Alan Turing est présenté comme assez peu social, à cause d’une forme d’autisme ou du syndrome d’Asperger, qui sera en réalité diagnostiqué par certains chercheurs bien après la seconde guerre mondiale. En réalité, ses collègues de l’époque le décrivent comme quelqu’un qui avait de l’humour, des amis et entretenait de bonnes relations avec eux. Dans le film, lorsque Cairncross le menace de dévoiler son homosexualité pour que Turing ne dénonce pas son activité d’espion au service de l’URSS, ce dernier décide de ne rien révéler. En réalité, l’activité d’espion de Cairncross n’a été découverte que bien plus tard, et les services de renseignement britanniques étaient tellement cloisonnés que Turing et Cairncross ne se sont sans doute jamais parlé. Enfin, cette scène suppose que Turing aurait renoncer à dénoncer un espion pour protéger le secret de son homosexualité, ce que les historiens pensent peu probable, compte tenu de la personnalité de Turing. D’ailleurs, les activités des employés de Bletchley Park étaient tellement secrètes que Turing ne les auraient jamais révélées à un inspecteur de police enquêtant sur son homosexualité. Dans le film, l’amour qu’il a pour Chritopher est réciproque, et il nie être son ami lorsqu’il apprend sa mort. En réalité, si Christopher savait être aimé de Turing il ne partageai pas ses sentiments, et Turning a ouvertement été effondré à la mort de celui-ci.

Le commandant Denniston est présenté dans le film comme un personnage obtus qui empêche Turing de progresser dans son travail. En réalité, les dirigeants de Bletchley Park, dont Denniston, avaient bien compris la valeur de Turing et de ses travaux, et oeuvraient pour lui permettre d’obtenir ce dont il avait besoin. Si Alan Turing a effectivement écrit une lettre à Churchill afin d’obtenir plus de ressources, il ne l’a pas fait seul, mais avec d’autres collègues de Bletchley Park comme Hugh Alexander.

Le film montre une complicité entre Turing et Menzies, chef du service de renseignement britannique, mais aucun document de l’époque ne laisse supposer une telle relation.

Si le personnage de Joan Clarke était effectivement la seule femme cryptanalyste de Bletchley Park, et qu’elle s’est fiancée avec Turing à la demande de ses parents à cause des conventions sociales, le reste de la relation avec Alan Turing est très probablement fictive (surpasse Turing au test de recrutement qu’elle passe le même jour que lui, Turing qui l’a fait engager comme secrétaire, travaillent ensemble chez la logeuse de Turing, visite lorsque Turing purge sa peine). En effet, on sait qu’ils ont été amis de 1940 jusqu’à après la fin de la guerre, mais Clarke ayant toujours été très secrète sur sa vie, il est probable que les scénaristes d’Imitation Game aient imaginé ce dont ils avaient besoin pour leur récit. Enfin, Joan Clarck a été repérée dans un cours de géométrie de Cambridge par Gordon Welchman, un mathématicien de Bletchley Park dont le film ne fait aucune mention, et qui l’a recruté pour travailler sur le procédé de cryptanalyse d’Alan Turing.

Erreurs historiques

Toute la partie sur Turing et l’activité d’espion de John Cairncross est fictive, car si Cairncross a bien existé, et qu’il était effectivement un espion russe, ceci n’a été découvert que bien plus tard, et le cloisonnement des service de renseignement britanniques fait qu’il n’a probablement jamais rencontré Alan Turing.

Dans le film, la machine électromécanique s’appelle Christopher, mais en réalité elle se nommait Victory.

L’arrestation d’Alan Turing par des policiers est décrite comme ayant eu lieu en 1951, alors qu’elle a eu lieu en 1952, et que Turing n’a jamais révélé aux policiers ses activités à Bletchley Park.

Le film montre Alan Turing incapable de travailler sous l’effet du traitement hormonal, alors qu’il a produit à cette époque un travail novateur sur la mophogénèse.

Le film parle d’un suicide de Turing après un an de traitement hormonal, alors que sa mort, dont la qualification de suicide fait débat, a eu lieu quatorze mois après la fin de sa période de castration chimique.

Dans le film, à la fin de la guerre, Menzies ordonne à l’équipe de détruire tout leur travail et de faire comme si rien ne s’était passé. En réalité, comme un bombardement de Bletchley Park pouvait occasionner la destruction de tout le travail de cryptanalyse, trois autres sites hébergeaient des machines électromécaniques conçues par les équipes de Bletchley Park. En 1945, plus de 200 de ces machines étaient exploitées au Royaume-Unis, et même si une partie a été détruite après le fin de la guerre, une majorité a continué à être exploitée pour de la cryptanalyse.

Dans le film, Hugh Alexander lui propose une modification de sa machine afin de l’améliorer, or cette modification est en réalité une idée du mathématicien Gordon Welchman, dont le film ne fait aucune mention.

Dans le film, lorsqu’ils parviennent enfin à déchiffrer des messages de l’Enigma, ils décident de ne pas le révéler afin de ne pas prendre le risque de dévoiler aux allemands l’avantage dont ils bénéficient. Si la logique de cette décision est authentique, celle-ci ne s’est pas prise à Bletchley Park, mais à beaucoup plus haut niveau. Churchill était au courant de tous les progrès des cryptanalystes, et c’est à son niveau qu’était décidé comment utiliser chaque information.

Erreurs concernant la cryptanalyse

La gageure d’un film traitant de mathématiques est de ne pas trop simplifier le problème dont il est question, sans pour autant perdre le spectateur.
Dans Imitation Game, les scénaristes ont fait le choix de mettre en scène un « génie de cinéma », aux idées juste assez malignes pour que le spectateur les comprennent tout en se disant qu’elles sont effectivement malignes.

La réalité de la cryptanalyse est tout autre.

L’idée de rechercher des mots que l’on pense contenus dans un message codé pour simplifier son déchiffrage date des débuts de la cryptanalyse, au neuvième siècle, et n’est absolument pas l’idée de génie qui a permis à Turing d’avancer dans son travail. En réalité, si il a eu ce que l’on peut considérer comme un éclair de génie, c’était un soir où il travaillait seul à la Hut 8, et il lui a fallu des mois, et non quelques minutes, pour mettre en oeuvre ses idées et obtenir un résultat probant.

Imitation Game donne l’impression qu’Alan Turing a inventé la machine électromécanique qui permet de casser les codes de l’Enigma, mais cette machine a en réalité été inventée par le mathématicien polonais Marian Rejewski qui a travaillé sur l’Enigma allemande à partir de 1929, même si sa machine ne pouvait déchiffrer qu’une version commerciale et non militaire de l’Enigma.

Une autre erreur faite par Imitation Game au sujet de l’Enigma est qu’il n’en existait pas un seul type, mais plusieurs, commerciaux et militaires. Les premières versions ont été complexifiées au cours du temps pour rendre leur décodage plus difficile, même si les allemands n’étaient pas au courant des progrès de cryptanalyse des britanniques. Entre les différentes armées de l’Axe se servant de l’Enigma, des négligences lors de son utilisation fournissaient parfois des indices permettant le décodage des messages. Contrairement à ce que l’on peut voir dans le film, à aucun moment de la guerre, les britanniques n’ont connu la position de tous les sous-marins allemands. Même si, en 1945, la quasi totalité des messages allemands pouvaient être déchiffrés par les anglais, ceux destinés aux U-Boot ont toujours bénéficié de plusieurs niveaux de chiffrement qui les rendaient souvent inutilisables même déchiffrés. Par exemple, voici un message de U-Boot une fois tout le chiffrage de l’Enigma correctement retiré : « CKSA KBXO MBGV QQYY OJ ». Ce n’est pas de l’allemand, mais une suite de mots associés à des informations par l’intermédiaire d’un manuel qu’il faut connaître pour en comprendre le sens. Même en possédant ce manuel, on arrive au message suivant : « Convoi en vue, carré BE4131, route au Sud, signé U-276 », et cette fois-ci c’est la position BE4131 qui pose problème, car elle est également codée, parfois même par une transposition communiquée à l’orale juste avant l’appareillage du sous-marin. Ainsi, malgré le travail formidable de des équipes de Bletchley Park, la lutte contre les sous-marins allemands a été gagnée grâce aux reconnaissances aéronavales, aux radars, aux écho-sondeurs ASDIC, à la localisation par radiogoniométrie, mais aussi grâce au nombre des navires engagés et à l’endurance des marins. Enfin, en fonction des modifications faites par les allemands, les progrès dans le déchiffrage ne duraient pas toujours. Par exemple, entre février et décembre 1942, les anglais sont redevenus incapables de déchiffrer les messages des Enigma M4 utilisées par les U-Boot. Il aura fallu attendre que le U559 soit capturé pour que la nature exact de la modification ainsi qu’un manuel de code permette aux cryptanalystes de décoder de nouveau les messages échangés par cette machine.

Après avoir vu le film inspiré de faits réels et produit par Amazon Prime : « The Aeronauts », je me suis posé la question de ce qui était historique, et de ce qui relevait de la fiction. Je vous livre ici les réponses que j’ai trouvées (attention, spoilers).

« The Aeronauts » se passe au milieu du XIXème siècle en Angleterre, et raconte l’histoire de James Glaisher, un astronome et un météorologue convaincu que les voyages en ballon permettront d’en apprendre plus sur la composition de l’atmosphère, et de faire ainsi progresser la discipline météorologique alors naissante. Pour l’aider, il faut appel à Amelia Wren, une pilote de ballon dont le mari, pilote également, est décédé.

Nous pouvons commencer par ce qui est authentique, dans la mesure ou cela représente la partie la plus courte de cet article. James Glaisher a effectivement existé à cette époque, il était astronome et météorologue, et il a effectivement battu un record d’altitude en ballon à hydrogène, pour étudier l’atmosphère dans le but de faire progresser la météorologie. Lors de cet exploit, il a perdu connaissance et doit sa vie au pilote avec qui il était. Voilà tous les éléments authentiques utilisés dans le film.

Concernant les éléments fictifs, le premier est le personnage d’Amelia Wren, qui n’a jamais existé, puisque le pilote de James Glaisher était un homme, Henry Coxwell, et que les femmes du XIXème siècle ne pouvaient pas occuper de telles fonction. Elles étaient cantonnés aux métiers liés aux enfants (institutrices, gouvernantes, nourrices…), et n’avaient pas plus de droits qu’eux. Elles passaient de l’autorité de leur père a celui de leur mari, n’avaient pas le droit de posséder un compte en banque, de voter (jusqu’en 1918 en Angleterre), et les femmes de lettres étaient obligées de se faire passer pour des hommes si elles voulaient être publiées.
Ensuite, si les ballons étaient tels qu’on peut le voir dans le film, le record d’altitude réalisé par Glaisher et Coxwell n’a pas été précédé de la traversée d’un nuage d’orage, et a culminé à 8838m, et non 11000m. Il faudra attendre 1901 pour que les docteurs Berson et Suring atteignent une telle altitude en ballon, mais en respirant de l’oxygène en bouteille à partir de 6000m, car l’exploit de Glaisher a montré la limite d’altitude supportable par un être humain sans oxygène ou système de pressurisation.
Contrairement à ce que l’on peut voir, il n’y a pas d’altitude uniquement peuplée d’insectes, car ceux-ci ne sont pas capables de voler aussi haut que les oiseaux, lesquels comptent des espèces pouvant atteindre 10 000m.
Si le vol de Glaisher et Coxwell a été épique, c’est dans une bien moindre mesure que celui du film. Glaisher a perdu connaissance, et Coxwell, qui lui aussi perdait ses moyens, a tiré la corde de la trappe du sommet du ballon avec ses dents, juste avant de perdre également connaissance. Leur record a été enregistré automatiquement par le baromètre que possédait leur ballon.
Concernant les températures, les 5°F (-15°C) dont il est question après avoir battu le record, à plus de 8000m, se présentent en réalité à seulement 3000m, car c’est un -37°C (-35°F) que l’on trouvera en réalité à cette altitude. À 11000m, on arrivera même à -55°C.
Un autre aspect qui a été exagéré pour rendre l’expérience des personnages plus spectaculaire est l’aspect du ciel et de la terre en altitude. On voit une nette courbure terrestre sur certains plan, au bas de l’image, or, même avec un objectif grand angle, une telle courbure ne serait pas visible à moins de plusieurs dizaines de kilomètres d’altitude. De la même façon, les étoiles sont visibles en plein jour alors qu’ils volent aux alentours de 8000m. En réalité, une telle observation n’est possible que deux fois plus haut, à l’altitude de croisière de l’avion Concorde, entre 16000 et 18000m.

En conclusion, ce film utilise effectivement des éléments authentiques, mais pour la grande majorité, ils se basent sur des aspects purement fictifs, afin d’augmenter le caractère dramatique des scènes.